Depuis le 1er janvier, la nouvelle géographie prioritaire de la ville concerne 1362 quartiers (+ 111 QPV) en métropole, dont 64 dans le Pas-de-Calais. Tenant mieux compte de l’évolution des réalités socio-économiques, elle résulte aussi d’une concertation plus importante entre les services de l’Etat et les élus locaux. Prochaine étape : les contrats de ville 2024-2030 doivent être signés avant fin mars. L’AMF et Ville & Banlieue demandent une augmentation significative de leurs moyens. Par ailleurs, une instruction ministérielle adressée aux préfets souligne que « le maire doit être au cœur » de l’élaboration des contrats de ville, tout en rappelant que les EPCI assurent leur « pilotage ».
Très attendue, la nouvelle géographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est enfin connue. Un décret du 28 décembre dernier, publié au Journal officiel du 29 décembre (1), détaille en effet la liste des 1362 territoires métropolitains reconnus QPV (1296 jusqu’alors), répartis à présent dans tous les départements, avec une entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2024. Concernant l’outre-mer (218 QPV aujourd’hui), le zonage sera mis à jour cette année pour une entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2025.
111 quartiers entrants
Dix ans après la loi « Lamy » du 21 février 2014 qui retenait pour la première fois un critère unique de pauvreté pour définir les quartiers prioritaires, la nouvelle carte tient mieux compte de l’évolution des réalités socio-économiques. Dans le détail, 960 quartiers sont maintenus mais voient leur périmètre évoluer alors que 291 demeurent sans modification, 111 nouveaux quartiers entrent et 40 QPV sortent du fait d’une amélioration socio-économique ou d’une évolution démographique. A noter parmi les entrants des quartiers de villes en zones rurales jusqu’alors pas classées politique de la ville comme Mende (Lozère) ou Rodez et Millau (Aveyron), même si les gros bataillons continuent de figurer en Ile-de-France, dans le Nord ou dans le Rhône.
Touchant plus de cinq millions d’habitants, les QPV bénéficient des dispositifs de la politique de la ville qui concernent les enjeux éducatifs, d’emploi, d’insertion et de développement économique, sociaux ou encore sportifs et culturels.
Mieux tenir compte des réalités locales
« La nouvelle cartographie résulte d’un travail très étroit de concertation des services préfectoraux et des élus locaux tout au long de l’année 2023, pour que le zonage soit défini au plus près des réalités locales, à partir des données issues des travaux des services de l’Insee et de l’ANCT » (Agence nationale de la cohésion des territoires), estime le gouvernement. Le décret du 28 décembre « est l’aboutissement d’un processus d’échange fructueux entre les services de l’Etat et les élus locaux, précise Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté et de la ville. Notre volonté était de répondre aux besoins des plus fragiles et d’avoir un zonage au plus proche des réalités de chaque territoire ». Un constat partagé par Gilles Leproust, maire d’Allonnes (Sarthe) et président de Ville & Banlieue. Selon lui, « les préfets ont joué le jeu et des compromis ont pu être trouvés par le haut ». Mais de pointer « des moyens restés identiques alors que plus de QPV sont retenus avec donc davantage de population concernée ». « Avec la hausse de l’inflation, cela revient même en réalité à une baisse des moyens », regrette-t-il.
De la même façon, dans un communiqué publié fin novembre dernier, l’AMF jugeait « impératif que la nouvelle géographie prioritaire s’accompagne des moyens financiers suffisants dans le programme 147 “Politique de la ville” du projet de loi de finances 2024 ». D’autant plus avec l’augmentation du nombre de QPV et d’habitants concernés.
Mécanisme de « poche de pauvreté »
Les critères retenus pour définir un QPV concernent les revenus et le niveau de population. Il faut être situé dans une unité urbaine de plus de 10 000 habitants et avoir un nombre minimal d’habitants fixé à 1000. Le critère de revenu des ménages est défini par le décrochage par rapport aux revenus de l’unité urbaine du QPV et par rapport aux revenus dans la France métropolitaine
Pour accompagner les quartiers sortants, comme le réclamait l’AMF lors de la concertation préalable, il est indiqué que les préfets pourront continuer de leur apporter « un soutien » sur quelques dispositifs comme les programmes de réussites éducatives. Par ailleurs, un mécanisme de « poche de pauvreté » a été créé pour leur permettre de bénéficier, « de façon circonscrite », de crédits budget politique de la ville de l’Etat mais sous réserve de s’inscrire dans le cadre d’un contrat de ville. Sabrina Agresti-Roubache explique la mise en place du nouveau mécanisme pour « contrer les effets de seuil liés à tout zonage et continuer à soutenir la dynamique positive des quartiers sortants ». L’AMF salue ici « la possibilité d’utiliser de façon exceptionnelle par les contrats de ville le programme 147 » dans des territoires défavorisés ne bénéficiant pas de la géographie prioritaire. Pour sa part, Gilles Leproust craint « des règles et des moyens pas assez précis alors que les quartiers sortants continuent d’avoir des besoins importants ».
Contrats de ville signés d’ici fin mars
Les nouveaux contrats de ville (2024-2030), dénommés « Engagements Quartiers 2030 », doivent être signés avant le 31 mars prochain. Ils s’articulent autour de trois enjeux : la transition écologique, les services publics et l’émancipation des habitants. A côté d’une partie socle, les contrats en auront une autre dédié à des projets spécifiques à chaque quartier.
Face aux besoins financiers et à un nombre plus important de QPV, l’AMF comme Ville & Banlieue pointent un budget qui ne progresse pas. L’AMF estime que les nouveaux contrats de ville « exigent une augmentation significative des moyens pour permettre une action ambitieuse au sein de chaque contrat de ville et des crédits suffisants pour chaque quartier ».
Pluriannualité budgétaire
Parmi les points positifs : la pluriannualité budgétaire. « Comme nous le demandons depuis longtemps, elle va s’améliorer dans les nouveaux contrats de ville avec des projections possibles sur trois ans », souligne Gilles Leproust, tout en dénonçant le maintien de nombreux appels à projets qui « favorisent les grosses collectivités mieux dotées en ingénierie ».
Pour élaborer les contrats de ville, une instruction de Sabrina Agresti-Roubache aux préfets, datée du 4 janvier (2), insiste sur la prise en compte de la participation citoyenne. De même, elle souligne la nécessité d’une « participation active de l’ensemble des collectivités » aux contrats de ville, dont les départements et les régions (mobilisation des fonds européens pour les QPV).
Gouvernance partagée entre le maire et l’EPCI
Selon le texte, « le maire doit être au cœur » de leur élaboration « dans le respect des compétences des communes et des EPCI en matière de politique de la ville ». Une demande formulée par l’AMF durant la phase de concertation, en particulier pour les EPCI dont une seule commune membre dispose d’un QPV (une centaine de contrats de ville métropolitains sont dans cette situation).
L’instruction ministérielle rappelle que l’EPCI assure le pilotage du contrat de ville dès lors qu’il exerce la compétence politique de la ville, tout en associant les maires des communes concernées par les QPV. « Lorsque le contrat de ville concerne un ou des quartiers d’une seule commune membre d’un EPCI exerçant la compétence politique de la ville, le maire de la commune doit avoir un rôle central dans le pilotage et la coordination du contrat de ville, mais aussi dans la programmation des crédits affectés », précise l’instruction. Enfin, les contrats de ville devront s’articuler avec l’ensemble des contractualisations existantes. Une articulation jugée « primordiale » pour s’assurer de la mobilisation du droit commun. L’AMF a porté de longue date cette demande d’articulation pour éviter l’intégration totale des contrats de ville au sein des contrats de relance et de transition écologique. L’association sera particulièrement attentive aux « outils » développés par l’Etat pour veiller à l’atterrissage des moyens de droit commun dans les QPV.